A l'ère du numérique et des outils de communication omniprésents, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle tend à s'estomper. Pour de nombreux secteurs, le travail ne se réalise plus dans un un espace-temps unique.
"Malgré la législation de l’UE régissant le temps de travail, la santé et la sécurité au travail et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, les données issues des enquêtes nationales et européennes montrent qu’une proportion élevée de travailleurs capables de travailler à distance et d’utiliser de manière flexible des outils numériques travaillent pendant de longues heures et sont soumis à des problèmes de santé dus au stress et à l’épuisement professionnel liés au travail." (Eurofound)
Le cadre juridique du droit à la déconnexion
Qu'est-ce que le droit à la déconnexion ?
Le code du travail ne donne pas de définition du droit à la déconnexion.
L'Accord national interprofessionnel (ANI) relatif au télétravail du 26 novembre 2020 définit le droit à la déconnexion comme étant :" Le droit pour tout salarié de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel en dehors de son temps de travail" ce droit ayant "pour objectif le respect des temps de repos et de congé ainsi que la vie personnelle et familiale du salarié".
Au niveau national
La loi dite « travail » du 8 août 2016, a introduit le droit à la déconnexion au sein de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail (QVT),
Ce droit a été inséré dans le code du travail pour encadrer la multiplication des outils numériques en entreprise, dont l'utilisation favorise les risques psychosociaux et peut conduire à du stress voire des burn-out.
Article L2242-17 : "La négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et des conditions de travail porte sur :
[...] 7° Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l'entreprise de dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques, en vue d'assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. A défaut d'accord, l'employeur élabore une charte, après avis du comité social et économique. Cette charte définit ces modalités de l'exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d'encadrement et de direction, d'actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques."
Au niveau européen
"Au printemps 2023, il n’existait pas de législation spécifique au niveau de l’UE sur le droit à la déconnexion. Toutefois, une série de directives européennes existantes contiennent des dispositions pertinentes, en particulier la directive sur l’aménagement du temps de travail (directive 2003/88/CE). Celle-ci fixe des limites au temps de travail et réglemente les périodes de repos pour tous les travailleurs. La résolution du Parlement européen de janvier 2021 [2019/2181 (INL)] appelle la Commission européenne à présenter une législation spécifique sur le droit à la déconnexion, tout en reconnaissant le rôle clé joué par les partenaires sociaux dans les négociations sur les questions liées au lieu de travail. En 2022, les partenaires sociaux interprofessionnels européens ont entamé des négociations sur un éventuel accord-cadre sur le télétravail et le droit à la déconnexion" (Eurofound).
Les enjeux du droit à la déconnexion
Le premier enjeu du droit à la déconnexion est donc ... : le respect du temps de travail.
Au-delà, le droit à la déconnexion répond à plusieurs enjeux majeurs :
💚Préserver la santé et le bien-être des salariés : Un hyperconnexion peut engendrer du stress, des troubles du sommeil, de l'anxiété et des risques d'épuisement professionnel. Le droit à la déconnexion permet aux salariés de se reposer et de recharger leurs batteries, favorisant ainsi leur santé mentale et physique.
🎗️Améliorer la qualité de vie au travail : Un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle contribue à une plus grande satisfaction des salariés, une réduction du stress et une meilleure implication dans le travail.
🚀Renforcer la performance et la productivité : Des salariés reposés et sereins sont plus efficaces et plus créatifs. Le droit à la déconnexion peut donc s'avérer bénéfique pour la performance globale de l'organisation.
Le droit à la déconnexion fait intrinsèquement partie de la Qualité de Vie et des Conditions de Travail. Il impacte l'équilibre pro / perso ainsi que la santé ♎
Une fois cela posé, comment s'y prend t-on concrètement ?
Mise en oeuvre concrète du droit à la déconnexion
La loi n’impose pas de modalités de mise en œuvre spécifique. C’est donc à l’employeur de déployer des mesures appropriées pour faciliter la déconnexion de ses salariés. C’est en effet de sa responsabilité de garantir à la fois :
le bon respect du temps de travail et des périodes de repos d’un employé ;
la bonne régulation de sa charge de travail ;
le développement de mesures dédiées à sa santé et sa sécurité au travail, afin d’éviter tout risque d’épuisement professionnel.
⏱️Se mettre au clair sur les modalités de gestion du temps travail et de son suivi
Ce que j'observe dans les petites structures et, à mon sens, le premier sujet à traiter, c'est l'absence de suivi du temps de travail réel. Par méconnaissance des obligations employeur en la matière, parce que le fonctionnement en basé sur la confiance, parce qu'il faut bien faire ce qu'il y a à faire avec les moyens existants ...
🔎Clarifier le périmètre des missions de chacun
Dans les organisations qui formalisent peu, parce que jusqu'à une certaine taille cela n'apparaît pas nécessaire aux parties prenantes, les grandes missions sont connues mais il y a toujours une part de flou quand on zoome un peu. Jusqu'où va t-on ? comment cela s'articule avec ce que font mes collègues ? quel niveau de qualité est attendu ? . . . Ce manque de clarté peut contribuer à "charger la barque".
💟 Mettre le travail au coeur des échanges entre managers et salariés
Les missions sont claires, mais sont-elles tenables dans le temps et avec les moyens impartis ? Les managers sont-ils formés à analyser la charge de travail et à la réguler ?
📑Mettre en place des règles claires et partagées sur l'équilibre vie pro / vie perso
Les salariés ont-ils l'habitude de rester joignables pendant leurs congés ? Y a t-il des consignes sur les horaires auxquels les équipes peuvent ou non se solliciter ? Certains travaillent-ils le WE pendant leur temps de repos ? L'organisation, les ressources humaines et matérielles permettent-elles de respecter la déconnexion de chacun ?
🤙Poser un cadre clair et partagé sur la pratique du télétravail régulier
Il y a eu le télétravail bricolé, le télétravail en mode urgence et dégradé, à présent il faut passer à l'étape d'après. Le télétravail est une modalité d'organisation du travail qui doit faire l'objet d'échanges, de négociations, d'expérimentations et d'ajustements.
L'ANI du 26 novembre 2020 "pour une mise en œuvre réussie du télétravail" prend en compte de nouvelles problématiques : l’adaptation des pratiques managériales au télétravail, la formation des managers, la nécessité du maintien du lien social et la prévention de l’isolement, . . .
En résumé, la Loi édicte la règle, ensuite c'est une analyse et une démarche sur mesure qu'il faut construire et mettre en place.
Où placer le curseur pour être dans une véritable démarche de prévention (et pas uniquement se protéger des risques juridiques) ?
Conclusion
Le respect du droit à la déconnexion est un enjeu collectif qui implique l'engagement de l'employeur, des managers et des salariés.
L'employeur doit mettre en place les conditions nécessaires et sensibiliser ses collaborateurs à l'importance de respecter les temps de repos et de non-disponibilité.
Les managers doivent montrer l'exemple en adoptant eux-mêmes des pratiques de déconnexion et en respectant les horaires de travail de leurs collaborateurs.
Enfin, les salariés doivent être vigilants à s'accorder des temps de déconnexion réguliers pour préserver leur santé et leur bien-être.
Le droit à la déconnexion est un élément essentiel de la qualité de vie au travail et de la performance des entreprises. En mettant en œuvre des mesures concrètes et en adoptant une culture d'entreprise favorable à l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, employeurs et salariés peuvent contribuer à un environnement de travail plus sain, plus serein et plus performant.
Ressources
POUR ALLER PLUS LOIN
Je peux vous accompagner de différentes façon :
accompagner l'organisation sur la clarification et la formalisation des missions de chacun
accompagner les managers sur l'évaluation de la charge de travail
réaliser un diagnostic Qualité de Vie et des Conditions de Travail
apporter un appui pour la construction d'une charte télétravail
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